Ma petite maman en 1936 lorsqu’elle rencontre…

… son futur mari, Maurice Décotte.

Les étés au bord du lac, les hivers sur les crêtes du Jura.

Ma petite maman est sportive.

Rien ne semble devoir interrompre ce bonheur.

En 1939, mon père est mobilisé. D’abord en France…

… avant la grande traversée vers le Brésil, où il est envoyé pour acheter le café de l’Armée française.

Ma petite maman le rejoint quelques semaines plus tard. Vue d’ici, la guerre semble si loin.

Trente ans plus tard, je suis retourné à Rio de Janeiro devant l’immeuble où résidèrent mes parents et où, semble-t-il, je suis devenu l’embryon d’un futur nouveau-né. 

Mes parents revenus en France, j’ai vu le jour en novembre 1944 à Grenoble, sous les bombes américaines pilonnant les dernières unités allemandes.

La famille retrouve alors Ferney, qui n’est encore qu’un petit village pauvre et campagnard.

Et voici la maison de mon enfance, devenue depuis lors le conservatoire de musique. Je dors au premier étage dans la chambre du centre, ma maman dans celle de droite, mon papa au deuxième étage. Chambre à part et chacun pour soi.

Radieuse, ma petite maman semble défier le temps et les rides.

Mon papa, lui, vieillit avant l’âge.

Ultimes réunions d’une famille écartelée. Il mourra à Noël 1973.

Ma petite maman n’a pas attendu pour prendre le large et s’installer en Provence.

Elle se remarie avec un homme qui, de vingt ans son cadet, disparaîtra dix ans avant elle.

Devant la maison désormais vide, rituel quotidien pour ma petite maman qui ne se déplace plus qu’assise sur un fauteuil de bureau: deux heures sur la terrasse, face à la pinède.

Heureusement, amis et voisins défilent à la maison, ma petite maman continue à faire une excellente cuisine et ne crache pas non plus sur le vin de Loulou, l’ami vigneron.

A l’heure du petit déjeuner, discussion passionnée, comme d’habitude.

Perplexité.

Interrogation.

Réminiscence.

Jugement.

Dernière tartine.

Avec Amalric, son petit-fils.

Avec son fils préféré parce qu’unique.

Trois générations

1911, un bon millésime.

Mauvais pieds, mauvais yeux mais bon appétit.

Ma petite maman s’est mise sur son trente-et-un pour partager, au restaurant, le repas que lui ont offert infirmières et aides-soignantes à domicile.

Ultime feu d’artifice.

La vie aussi belle qu’aux premiers jours.

Instant de bonheur.